EXTRAITS INTERVIEWS SUR LE THEATRE - KOLTES

EXTRAITS INTERVIEWS SUR LE THEATRE

[Au théâtre] on bute toujours sur le problème des motivations extérieures, de la deuxième réplique des scènes qui fait dire aux personnages pourquoi ils sont là. Je n’ai pas de deuxième réplique, et je ne peux pas me fier à des solutions policières, j’attends. J’attends qu’une évidence relie les choses entre elles. Le même problème se pose dans la vie, si on cherche à savoir ce qui lie le fait que quelque chose se passe dans la rue et qu’une deuxième choses lui succède, qui la rattache à une troisième. Dans la vie, c’est là, mais au théâtre, ça se discute. On ne peut pas envoyer quelqu’un quelque part sans but et sans motif, et on ne peut pas laisser s’écouler le temps. Tous les exemples, on les prend dans la vie, où le temps passe tout seul et où les gens se promènent sans raison. Après, il faut inventer une histoire.

On ne peut pas parler d’histoire qui ne rende pas compte d’un déracinement.

J’écris du théâtre parce que c’est surtout le langage parlé qui m’intéresse.

Le théâtre, c’est l’action, et le langage-en-soi, finalement, on s’en fiche un peu. Ce que j’essaie de faire — comme synthèse —, c’est de me servir du langage comme d’un élément de l’action.

Mes racines, elles sont au point de jonction entre la langue française et le blues.

Une personne ne parle jamais seule : la langue existe pour et à cause de cela — on parle à quelqu’un, même quand on est seul. Il est évident aussi qu’à partir du moment où on formule, il se passe quelque chose. La parole tient une part considérable dans nos rapports avec les gens ; elle dit beaucoup de choses tout en empruntant bien sûr des chemins de grande complexité : « ça » dit beaucoup de choses encore une fois, surtout quand « ça » ne les dit pas.

(Mes personnages) ont envie de vivre et en sont empêchés : ce sont des êtres qui cognent contre les murs. Les bagarres justement permettent de voir dans quelles limites on se trouve, par quels obstacles la vie se voit cernée. On est confronté à des obstacles — c’est cela que raconte le théâtre.

Ça recouvre quoi, le mot « amour », alors ? Ça recouvre tout, ça recouvre rien ! Si on veut raconter d’une manière un peu plus fine quand même, on est obligé de prendre d’autres chemins. Je trouve que le deal, c’est quand même un moyen sublime. Alors, ça, ça recouvre vraiment tout le reste !

Les matchs de boxe, c’est un résumé de tout l’art dramatique. Moi, je suis fasciné par ça, écœuré et affolé. J’ai la télé depuis pas longtemps. C’est là que ça m’a permis de voir les matchs de boxe. Je dois dire que je ne sais pas quoi faire. J’ai envie de couper et en même temps je me dis que c’est une telle tragédie qui se joue là. Je me dis : mais enfin, je n’ai pas le droit… c’est terrible… c’est quand même une des choses les plus dingues dans le type de rapports. Ça raconte un tas de trucs.

Je suis optimiste parce que j’ai lu Galilée. C’est une révélation essentielle : c’est la première chose qu’on devrait apprendre à l’école. Notre place dans le temps, dans l’espace, c’est-à-dire notre nullité. Ça relativise tous les problèmes humains. Le seul problème qui vaille la peine qu’on le prenne au sérieux, c’est la souffrance physique, celui du Tiers-Monde, ça, c’est essentiel. Mais le reste… Le reste, ce sont des futilités, c’est un luxe, on le fait si on a le temps. C’est très beau les histoires d’amour, il y a en de très belles, mais on ne les vit que parce qu’on le temps. Ce qui me plaît dans mon métier, c’est la gratuité. 
Faire du théâtre est la chose la plus superficielle, la plus inutile du monde, et du coup, on a envie de le faire à la perfection. La seule autre chose qui aurait un sens, ce serait d’aller en Afrique soigner des gens, mais il faudrait être un saint ; tout le reste n’ayant aucun sens, prenons la chose la plus futile qui soit, le faux, la fiction, et faisons-la parfaitement. 

Commentaires

Articles les plus consultés